13/11/2020
Yukio Mishima : Confessions d’un masque
Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né en 1925 qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans, aussi bien des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres littéraires raffinées, mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. Confessions d’un masque (1949) vient d’être réédité en poche dans une nouvelle traduction.
Roman autobiographique, Confessions d’un masque est le coming out de l’écrivain, le masque de l’auteur tombe et il confesse, secret de Polichinelle, ses penchants homosexuels.
Japon des années 1930. Kôchan, le narrateur (mais aussi diminutif du nom de l’écrivain), est un gamin à la santé fragile, tenu à distance de ses petits camarades par sa famille. Très jeune, et sans qu’à cet âge il en comprenne le sens véritable, ses premiers souvenirs engageant son avenir portent sur la vue d’un jeune vidangeur, une photo de Jeanne d’Arc ou l’odeur de sueur d’un bataillon de soldats qui passent. Il aime aussi se travestir avec les vêtements de sa mère. Mais une image plus forte encore le marquera à vie, celle d’un tableau, le Saint Sébastien de Guido Reni qui représente le martyr à demi-nu et percé de flèches, déclenchant chez lui une fascination pour la souffrance (goût du sang, torture) qui deviendra un thème récurrent dans son œuvre. Plus tard au collège, son premier amour (secret et platonique) sera pour Ômi, un camarade plus mature, un genre de petit rebelle dans la classe. Kôchan pressent que cette attirance est d’ordre sexuel mais il n’en tire pas encore les conclusions qui s’imposent…
Disons qu’il s’agit là de la première partie du roman, tel que je l’ai compris. C’est aussi la moins intéressante ( ?) à mon goût. La seconde mérite toute notre attention, beaucoup plus subtile et troublante.
Kôchan a grandi, il a une vingtaine d’années et il a fait la connaissance de Sonoko, la sœur d’un de ses camarades, déclenchant une expérience amoureuse complexe et psychologiquement perturbante. Il va tenter avec cette jeune fille, d’être un homme « normal », un hétérosexuel classique ; expérience qui n’ira pas plus loin qu’un baiser (et c’était déjà pas mal pour l’époque) mais qui va le laisser froid comme un colin. Pour Sonoko il n’en est pas de même, elle aime ce jeune homme, et dans le contexte japonais d’alors, une procédure discrète d’approche du futur prétendant est entamée, tombant à l’eau quand Kôchan réalisera dans quel guêpier il s’est embarqué.
Cette partie du roman est véritablement réussie et touche parfois au magnifique. Kôchan vit à une époque et dans un monde qui ne lui permettent pas de comprendre véritablement ses pulsions érotiques et par là dévoile ses difficultés à être un homme.
Roman sauvé par sa seconde partie car je l’ai dit, je n’ai pas trop aimé le début du livre parce qu’aujourd’hui il m’a l’effet de « déjà lu ». Par contre tout le texte est très bien écrit et parfois, j’y ai vu quelque chose de Marcel Proust dans cette belle écriture classique, avec son héros à la santé fragile et son penchant pour l’introspection et les amours interdites, ou encore Jean Genêt (« A cette vue, et surtout à la vue d’une pivoine tatouée sur l’un de ses bras musculeux, le désir m’assaillit. »).
Un bouquin en partie intéressant, mais si vous n’avez jamais lu cet écrivain de talent, ce n’est pas avec celui-ci qu’il faudra commencer pour le découvrir. Or, et c’est là tout le paradoxe, il contient tout ce qui éclaire le reste de son œuvre.
« Dès l’enfance, je me suis fait de la vie humaine une conception qui s’apparente à la théorie augustinienne de la prédestination, et je n’en ai jamais dévié d’un pouce. Combien de fois les vaines incertitudes ne m’ont-elles pas tourmenté par le passé, et aujourd’hui encore ? Or, malgré ces doutes, que je considère comme une forme d’attrait pour la chute, mon déterminisme restait inébranlable. Un menu composé de la somme des angoisses de mon existence m’avait été attribué avant même que je ne sois capable de le lire. Il me suffisait de m’asseoir à table, une serviette autour du cou. Et si j’écris à présent un ouvrage aussi singulier, c’est que même cela figurait bel et bien au menu qui, dès l’origine, s’était présenté à moi. »
Yukio Mishima Confessions d’un masque Folio – 287 pages –
Nouvelle traduction du japonais par Dominique Palmé
« Arrivé presque en fin de volume, je passai à la page suivante. Surgit alors, d’un coin de cette page, un portrait qui, à mes yeux, n’avait pu être peint que pour moi, qui depuis toujours n’attendait que moi. C’était le Saint Sébastien de Guido Reni, conservé à Gênes, au Palazzo Rosso. (…) il n’était que jeunesse, que lumière, que beauté, que volupté. »
07:00 Publié dans BIOGRAPHIES, Etrangers | Tags : yukio mishima, marcel proust, jean genêt | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |